lundi 20 octobre 2014

Quand la logique répressive du "tout sécuritaire" affiche une fois de plus ses limites.




Tout commence donc vendredi soir à Saint Denis où le Racing Club de Lens reçoit le Paris Saint Germain pour ouvrir la 10e journée de Ligue 1. Réquisitionné pour des travaux, le stade Bollaert est indisponible et dans un souci purement économique, les lensois optent pour le Stade de France, si souvent inoccupé, pour recevoir le PSG, l'OM et le LOSC : grosse affluence = grosse rentrée d'argent. Seulement voilà, match classé à hauts risques par la préfecture de police, notamment à cause de la fameuse banderole déployée par les supporters du PSG huit ans plus tôt face au même club ch'ti, c'est l'organisation qui en a pâtit. Comme d'habitude en France, qui dit gros évènement, dit mauvaise organisation. Le tout sécuritaire ou la tolérance zéro devient insupportable. Trente minutes avant le début du match, les contours du Stade de France sont remplis de files d'attentes à n'en plus finir, chaque tribune nécessitant trois points de contrôle, et rendant la fluidité compromise. Sur le côté? Des CRS, encore des CRS et toujours des CRS, les bras croisés à discuter entre eux, faisant de la figuration attendant patiemment un débordement qui ne viendra pas. Plusieurs supporters munis de billets n'ont pas pu rentrer ce soir là, et je ne parle même pas de supporters fichés ou autres, mais bien de familles entières venues au stade pour voir un simple match de foot simplement à cause de l'organisation. Pour quelles raisons?

On fait suivre dans la presse ce communiqué du club parisien : "entre 300 et 400 anciens ultras parisiens, dont plusieurs interdits de stade pour certains munis de billets, ont ainsi tenté d'entrer dans l'enceinte avant le coup d'envoi, sans y parvenir. Ils ont été bloqués sur le parvis par les forces de l'ordre." Plusieurs témoignages ne vont pourtant pas du tout dans ce sens là. Je vous invite à lire celui publié sur les cahiers du foot, qui est en tout point consternant (http://www.cahiersdufootball.net/article-incidents-stade-de-france-j-ai-failli-voir-lens-psg-5519). Pour rappel, la liste de ces indésirables supporters a été dressé par le PSG pour "comportement non conforme aux valeurs du club". Sauf que la Cnil et le Conseil d'État ont donné tort au PSG. Peu importe de la légalité ou non, comme le rappelait le directeur de la sécurité du club il y a quelque mois: "La légalité...ça ne veut rien dire 'c'est pas légal', c'est eux qui le disent. Mais qu'ils aillent devant un tribunal ! Honnêtement ils peuvent le faire, ça va prendre trois ans, ils vont se fatiguer. Il n'y a pas de problème...".

J'étais au Stade de France ce vendredi. À la mi-temps, j'ai aperçu un petit groupe de supporters arrivant près des portiques pour rentrer dans les tribunes et forcer le passage. Je ne savais rien de l'avant, je ne saurais rien de l'après. Une chose est sûre, à être parqué et mis de côté pendant plus d'une heure, jusqu'à la mi-temps, quand on a payé sa place et qu'on veut simplement rentrer dans le stade, l'élan de protestation et la véhémence de certains devient vite bien plus compréhensible. Comme si cela ne suffisait pas, ceux parvenant devant les grilles du stade avec un billet, étant totalement indépendants ou autre, se retrouvaient eux aussi bloqués, les stadiers ne voulant rien entendre et laissant dehors plusieurs personnes.

Au total, on dénombre quatre interpellations. Ne croyez vous pas que si l'attitude de ces 400 supporters avait été si répréhensible, le nombre d'interpellation aurait été bien plus grand? Entre les stadiers et les CRS, on dénombre pas moins de 2500 personnes mobilisées. Du grand n'importe quoi. Quand comprendra-t-on que la sécurité des gens ne passent pas par l'afflux de forces de l'ordre ni par l'application de mesures toujours plus en contradiction avec les pseudos valeurs républicaines de ce pays. Le tout répressif et la politique de gestion du risque a déjà maintes fois montré ses limites et commet la grave erreur d'assimiler la déviance à la délinquance, le désordre au crime.

Autre exemple qui saute aux yeux, les débordements et l'envahissement de terrain à Nice. On essaye de nous faire croire que c'est la faute d'un gardien de but remplaçant, venu fêter sur la pelouse la victoire de son équipe en agitant un drapeau corse, que les choses ont dégénéré? C'est pourtant faire une complète abstraction du contexte et des décisions politiques et sécuritaires absurdes prises en amont qui ont fait régner cette ambiance et qui ont pour le coup déclenché les hostilités! Outre une interdiction de déplacement entre la Corse et Nice de toute personne "se prévalant de la qualité de supporter du club du SC Bastia", qui constitue déjà en soi une mesure radicale plus que banalisée en France (et pourtant en contradiction totale avec les valeurs de la "République"), il y a en plus cette volonté d'Adolphe Colrat d'interdire "le port, la détention et l'utilisation de tout objet ou vêtement à l'effigie de la Corse ou d'un club sportif corse" à proximité du stade. Mais où va-t-on?! Après une telle mesure, ne pouvait-on pas raisonnablement imaginer la réponse des bastiais? Le sparadrap rouge sur la tête de Maure du maillot bastiais faisait office de symbole mais soyons honnête, qui en aurait parlé? Hormis le maire de Bastia...

Une des réponses à la stigmatisation est la provocation. Si elle n'est pas forcément la plus adroite, elle a au moins le mérite d'être une réponse autant qu'une dénonciation. Alors oui le geste du gardien Jean Louis Leca, venir agiter son drapeau corse n'est pas bien malin, mais comment peut-on oser ne tomber que sur lui et pas sur la bêtise complète de l'arrêté préfectoral? Inutile de compter sur les hommes politiques là dessus, voyez donc la réaction d'Estrosi, maire de Nice sur Twitter : 


Rappelons  que c'était quand même ce grand monsieur qui avait voulu interdire tous les drapeaux étrangers dans sa ville de Nice pendant la Coupe du Monde. Une bien belle initiative dans un pays qui se veut être un modèle d'intégration. Le changement apporté dans son arrêté, en remplaçant "corse" par "sc bastia"  montre s'il y en avait encore besoin et non sans ironie, à quel point ce personnage peut faire preuve d'ouverture...

Quoiqu'il en soit, soyons rassuré, ce sont bien Jean Louis Leca et l'arbitre de Lens PSG qui ont fait les gros titres des journaux le lendemain. Évidemment, ce sont eux les personnages du weekend. Et comme le dirait Daniel Pennac, "Ce n'est pas en altitude que niche la vérité, c'est vers le bas. Elle gîte. Faut descendre. Faut creuser."



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